Warm-ups, Ice Breaker, Serious Game, dès qu’il s’agit d’agilité, on a souvent tendance à vouloir y ajouter du ludique. Mais pourquoi donc ? Quelle est l’intention derrière tout ça ? N’y a-t-il pas un risque à enfermer l’agilité dans un monde de jeux et de couleurs vives ?
Vous avez dit Ludique ?
Rien de tel qu’un peu de latin pour bien commencer un article !
Ludique vient du latin « ludus » qui signifie jeu, amusement, plaisanterie, divertissement (et aussi « école », comme quoi on devait s’y amuser au départ ;)).
On retrouve cette base dans de nombreux mots comme par exemple « ludothèque » ou encore le verbe « éluder » qui signifie « esquiver par le jeu ».
Une activité ludique est donc une activité qui relève du jeu, c’est-à-dire qui permet de s’amuser.
De l’utilité du ludique
“On peut en savoir plus sur quelqu’un en une heure de jeu qu’en une année de conversation.” – Platon
Si le ludique est fortement utilisé dans les contextes agiles, ce n’est pas pour rien. Il a en effet plusieurs vertus.
Prenons par exemple la présentation de l’agilité dans un contexte non agile. Cela peut être une chose très difficile à faire car l’agilité peut paraître très théorique ou abstraite pour certaines personnes.
La présenter d’une manière ludique (par le Spaghetti marshmallow challenge par exemple) permet plusieurs choses :
- Dédramatiser la nouveauté en créant un amusement ;
- Transformer la théorie en pratique par une mise en situation concrète ;
- Faciliter la communication entre les participants.
- Faciliter l’émergence des idées.
Le “jeu” s’utilise donc pour permettre au “je” de s’épanouir.
Pour de plus amples explications sur les apports et bienfaits du ludique, je vous invite à lire les articles suivants :
- http://blog.soat.fr/2012/10/les-agile-games-lapport-du-jeu-dans-les-projets-agiles/
- https://www.nutcache.com/fr/blog/gamification-agile/
Et l’intention alors ?
En tant que Scrum Master, je côtoie beaucoup de personnes qui connaissent ou vivent un contexte agile. Il m’arrive souvent d’entendre des phrases du genre :
“Un Scrum Master ne fait que des dessins”.
“Quand on fait une rétro, on se croirait en maternelle ou au BAFA.”
“Dans la boîte à outils agile, il y a des pinceaux, des crayons, des gommettes et des déguisements non ?”
Cela a tendance à m’énerver car je trouve dommage que des personnes ne retiennent que cela de l’agilité. J’ai donc essayé de comprendre le problème en questionnant les gens sur des situations vécues qui leur ont faire dire ça.
J’ai par exemple une histoire de rétrospective : le Scrum Master a cherché à faire réfléchir l’équipe en lui faisant dessiner des nains. Seul problème : dû à un problème de timebox, la rétro n’a pas pu se finir et aucune action n’a été prise…
Je suis aussi souvent confrontée aux Scrum Masters qui viennent me demander une idée d’Ice Breaker. Et lorsque je leur demande plus d’informations sur la situation de l’équipe, j’obtiens une réponse du genre “Non mais j’ai juste besoin d’un Ice Breaker, rien de plus !”.
Il en ressort donc souvent que ces personnes réfractaires au ludique ont été confrontées à des situations ludiques qui ne leur on rien apporté.
Dans ce cas, plusieurs réactions sont alors possibles :
- Le gens sont contents et jouent mais leur seul but est de repousser le moment où il faudra travailler.
- Les gens ont l’impression de perdre leur temps et de ne pas être pris au sérieux.
On en revient donc souvent au même problème, s’il n’y a pas d’intention, de but, alors la réunion est inutile voire contre-productive : au mieux les gens se divertissent, au pire ils perdent leur temps et refusent ensuite les autres réunions.
Car, comme le dit si bien Marshall Rosenberg : “Lorsque nous pratiquons une activité habituellement joyeuse par obligation, […] elle perd son côté exaltant et finit par susciter une résistance.”
Il est, à mon avis, nécessaire de retenir que :
- Tout exercice a un but et doit être choisi en fonction de la situation et non l’inverse. Par exemple, on ne fait pas un type de rétro uniquement car celui-ci nous plait. Certes, le fait qu’il nous plaise est un atout, mais il faut aussi être capable de suffisamment comprendre l’exercice pour pouvoir l’adapter au contexte de l’équipe.
- Le débriefing est tout aussi important que l’exercice en lui-même. Il permet aux gens de valider et consolider ce qu’ils en ont retenu.
Comment fait-on du ludique ?
“Le jeu, c’est tout ce qu’on fait sans y être obligé.” – Mark Twain
Mettre en place et encadrer un jeu ne sont pas des choses triviales. Voici donc quelques pistes de réflexion pour créer une activité ludique 😉
Lorsque l’on décide de faire une activité ludique, il faut d’abord réfléchir à ce que l’on veut faire travailler par cette activité (oh une intention !). Cela constituera ensuite le fil conducteur, le cadre dans lequel il faut se concentrer.
Une fois ce cadre établi, il est nécessaire de considérer l’auditoire présent. En effet, une activité ludique est une activité qui va se baser sur les motivations des gens pour créer un défi et donc leur donner envie de participer.
J’aime beaucoup cette explication trouvée sur internet :
« Pour vivre une activité de manière ludique, il faut avoir été séduit par la perspective d’un enjeu, pouvoir s’y engager librement et en retirer un bénéfice hédoniste quelconque. La notion d’enjeu est fondamentale. Il suffit d’observer la motivation des enfants pour s’en convaincre. La perspective d’une balade en forêt risque fort de ne pas les attirer sauf si elle comporte par exemple un défi (essayer de remonter le cours d’une rivière ou de repérer un oiseau rare). »
En plus de nous rappeler la notion d’enjeu, cette citation nous apprend aussi que l’important n’est pas forcément l’activité en elle-même mais plutôt la façon dont nous la vivons qui la rend ludique.
Conclusion
Le ludique n’est pas une activité que je remets en cause. C’est son utilisation à tout va dès qu’il s’agit d’Agilité qui m’inquiète. Il me semble important de rappeler qu’il ne faut pas confondre moyen et objectif !
De plus, ludique ne veut pas dire facile à préparer. Oui, on s’amuse, cela ne signifie pas que c’est à prendre à la légère !
Toute la difficulté d’une activité ludique réside dans le fait qu’elle doit s’adapter à son auditoire pour coller à ses motivations, trouver le bon enjeu et ainsi faire passer les bons messages.
Rappelons-nous que derrière toute activité se cache un but : c’est donc la finalité qui prime sur l’originalité et non l’inverse !
“Aucun jeu ne peut se jouer sans règles.” – Vaclav Havel
Sources
- « Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs) » – Marshall B. Rosenberg
- http://www.lmg.ulg.ac.be/competences/chantier/methodo/meth_lud.html