Cet article signe la fin de mon expérience d’une semaine de Personal Kanban.
Suite à ma préparation, je vous ai décrit le déroulement de mon premier jour, extrêmement instructif ! Les 4 jours suivants l’ont été tout autant et je vais ici vous présenter mes principaux apprentissages.
Limiter le travail en cours
Choix de la limite
Dès le deuxième jour, j’ai décidé de mettre en place une WIP limit. Mais comment choisir la “bonne” limite à mettre en place, sur quels critères se baser ?
N’ayant aucune expérience sur le sujet, j’ai décidé d’expérimenter pour trouver ce qui me convenait. Pour le jour 2, je me suis basée sur l’existant : j’ai repris le nombre maximum de tâches que j’avais eu dans mes colonnes pour la journée précédente et j’en ai retiré une. Par exemple, pour la colonne “Réalisation”, j’avais eu jusqu’à 4 tâches, ma limite était donc 3.
Problème : à la fin du jour 2, ma limite n’avait jamais été atteinte, elle n’avait donc aucune utilité !
J’ai donc décidé de baisser cette limite à 2 sur les itérations suivantes.
Utilité
Le but de cette limite est de m’ajouter une contrainte pour me forcer à dépiler le travail en cours. En effet, me retrouver bloquée par cette limite me forcerait à analyser la situation et à me poser les bonnes questions pour améliorer mon flux.
Pendant le jour 4, il s’est d’ailleurs passé quelque chose d’intéressant. J’avais commencé une tâche qui me prenait du temps et que je rechignais à faire. Pour me changer les idées, j’avais donc envie de commencer une nouvelle tâche. Parmi elle, il y avait une lessive en cours censée se terminer dans 7 minutes.
La problématique est donc la suivante : si je commence une nouvelle tâche, en considérant que je ne l’aurais pas finie en 7 minutes, je ne pourrai pas passer à la tâche de la lessive vu que ma limite est à 2.
J’avais donc 2 options : attendre 7 minutes (aka glander) ou me remettre à ma première tâche. J’ai choisi la deuxième option.
La WIP limit est donc une bonne chose puisqu’elle m’a poussée à me remettre au travail. Mais surtout, elle m’a permis d’identifier un problème dans mon fonctionnement. En effet, si j’ai eu cette problématique, c’est parce que la première tâche sur laquelle j’étais était trop grosse et prenait donc beaucoup de temps. J’aurais pu pourtant la découper en sous-tâches car elle était composée de plusieurs étapes.
J’ai donc pu voir qu’une limite mal calibrée est en fait inutile car elle n’au aucun impact sur le flux. Par contre, une limite pertinente m’a poussée à réfléchir pour organiser mon travail et m’a aussi faite réaliser à quel point il est important d’avoir des tâches de tailles similaires et à la granularité fine !
Granularité et questionnements
Comme je viens de le dire, j’ai pu voir que la granularité était un concept très important et impactant pour mon flux. J’ai d’ailleurs affiné le découpage de mes tâches tout au long de la semaine.
Mais cela a à chaque fois généré de nombreux questionnements !
Par exemple, lors du jour 2, j’ai décidé d’organiser certaines tâches en sous-tâches. Beaucoup de questions me sont alors venues :
- Mes limites doivent-elles porter sur les tâches ou les sous-tâches ?
Cela pourrait être sur les 2. Dans mon cas, il n’y avait que peu de tâches divisées en sous-tâches, j’ai donc décidé de mettre les limites sur les sous-tâches et les tâches simples.
- Que dois-je prendre en compte dans le burndown ?
Cela dépend en fait de ce que je veux voir. Dans mon cas, je cherche à visualiser mon avancement heure par heure. Si je décide d’ignorer les sous-tâches (qui sont nombreuses), mon burndown risque de ne pas beaucoup évoluer. J’ai donc pris en compte le nombre de tâches simples plus le nombre de sous-tâches.
- Sur quoi le Lead time doit-il être calculé ?
Encore une fois, cela dépend de ce que je veux voir. Dans ce cas, j’ai été plutôt partagée, j’ai donc décidé de le faire sur tous les types de tâches et de voir le résultat à la fin !
Le fait est qu’il n’y a, à mon avis, pas vraiment de bonne réponse à toutes ces questions. Cela dépend fortement du contexte et de ce que l’on souhaite atteindre. Il me semble par contre important de prendre le temps (mais pas trop quand même) de se poser ces questions et de s’accorder sur une réponse.
Rythme
Si j’observe certains burndown charts, on peut voir qu’ils sont assez parlants :
On note souvent un rythme assez constant jusqu’en fin de matinée puis une non productivité au moment du repas suivie de nouveau par un rythme plus ou moins constant.
La fin de journée est cependant plus difficile.
Cette expérience s’est en fait révélée fatigante. Il est assez difficile de réaliser un travail constant, d’autant plus lorsque l’on est chez soi à la merci de toutes sortes de perturbations !
Quoi qu’il en soit, il me semble qu’il faut une certaine rigueur ainsi qu’un objectif motivant et impliquant pour travailler de cette manière !
Control Chart
Cette semaine m’a permise de tester la mise en place d’un control chart, chose que je n’avais jamais utilisée jusque-là.
Voici le résultat final :
On peut noter que mes tâches me prennent en moyenne entre 10 minutes et 1h.
En voyant ces résultats, je me suis intéressée également à la nature de ces tâches. Et qu’ai-je découvert ? Les tâches m’ayant prise le plus de temps, donc celles que j’ai le plus rechignées à faire, sont celles qui relèvent du domaine professionnel. Même si j’aurais pu m’en douter, cela me permet de le prouver !
Dans une équipe, il pourrait aussi être intéressant de voir quels types de tâches prennent le plus de temps et comment faire pour améliorer ça ! Ce type de graphique peut également aider à améliorer des prévisions puisqu’il permet de savoir combien de temps prend une tâche en moyenne.
Priorisation
Lors de cette semaine, je n’ai effectué aucune priorisation dans mon backlog. Etant donné que je suis seule, j’ai l’avantage d’avoir bien conscience de mes priorités et de pouvoir les gérer implicitement. Pourtant, je remarque à quel point je suis prête à ne pas les respecter.
En effet, lorsque je rechigne à faire une tâche importante, je préfère réaliser plusieurs petites tâches rapides à réaliser. Cela me fait plaisir car je vois mon flux évoluer et des choses se terminer. Pourtant, il est important de se rappeler que le but n’est pas de produire pour produire mais de produire de la valeur.
Cette valeur est pilotée par mon objectif d’itération, lui-même servant ma vision.
Perturbations
J’ai pu noter à quel point un petit grain de sable dans les rouages peut impacter tout le mécanisme !
La moindre petite perturbation impacte tout le flux : une tâche qui se rajoute, un coup de mou et mon burndown en prend un coup.
C’est très souvent ce qui se passe dans une équipe. Comme on ne peut pas tout prévoir, il y a très souvent des éléments qui viennent perturber le rythme. Il est alors important de réussir à s’adapter en tenant compte des priorités.
L’important n’est pas d’en faire beaucoup mais de faire les bonnes choses au bon moment.
Conclusion
Cette semaine fut éprouvante mais riche en apprentissages !
De cette expérience, je retiens surtout la mise en place de WIP limits, qui m’ont vraiment permises d’optimiser mon flux. Mais aussi les lead times, qui m’ont poussées à terminer mes tâches (et à mettre en avant qu’en fait, je n’aimais pas travailler chez moi) !
J’ai beaucoup appris sur Kanban mais cela reste une expérience personnelle. L’appliquer en équipe me permettrait de voir les similitudes avec ce que j’ai appris mais aussi de me rendre compte de l’impact des interactions entre individus dans une dynamique de travail.
Enfin, cette semaine a généré chez moi beaucoup d’interrogations. Je retiens cependant que, même si l’on peut se poser beaucoup de questions, l’important n’est pas forcément de trouver la bonne réponse ou même une réponse tout court. Quoi de mieux que de tester, recommencer, s’améliorer pour avancer rapidement vers l’objectif ?
Pour finir, 2 citations qui me tiennent à coeur :
“Done is better than perfect.”
“Stop starting, start finishing.”